La tentative de réponse de l’état sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques a proximité des zones d’habitation

La tentative de réponse de l’état sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques a proximité des zones d’habitation

Auteur : Fleur NOUGARET-FISCHER et Quentin REQUENA
Publié le : 23/02/2022 23 février févr. 02 2022

En vue d’améliorer les mesures de prévention sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, la première étude de grande ampleur PestiRiv pilotée par l’ANSES et Santé Publique France d’octobre 2021 à août 2022 va s’intéresser à l’impact des produits phytopharmaceutiques chez les personnes vivant en milieu viticole. 
Il s’agit de la première étude de grande ampleur visant à mieux connaître et comprendre l’exposition aux pesticides des personnes vivant près de cultures viticoles.
Dans le but de rationaliser l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par la création des chartes d’engagement issue de la loi EGALIM (I), un parcours contentieux (II) a eu lieu sur leurs modalités d’élaboration. 
L’Etat a tenté d’apporter quelques réponses (III) par la publication d’un décret et d’un arrêté du 25 janvier 2022 sans pour autant bouleverser les niveaux de distances des zones de non traitement. (IV)

I. Le rappel de la création des chartes d’engagement par la loi EGALIM

La loi EGALIM (Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous) a créé les chartes d’engagement à propos de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Ces documents réunissent différents acteurs à l’échelle départementale tels que les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, riverains et représentants associatifs pour définir les modalités d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment sur les distances de sécurité d'épandage des produits phytopharmaceutiques. (Articles D 253-46-2-2 et suivants du Code rural)

II. Un parcours contentieux des chartes d’engagement 

Par une décision QPC du 19 mars 2021, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du paragraphe III de l'article L. 253-8 du Code rural.

Sur l’élaboration des chartes d’engagement, la concertation qui se déroule à l'échelon départemental ne précisait pas les conditions et limites dans lesquelles s'exerçait le droit de participation du public à l'élaboration des chartes d'engagements.

D'autre part, le fait de permettre que la concertation ne se tienne qu'avec les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées par des produits phytopharmaceutiques était contraire à l’article 7 de la Charte de l’environnement. (CC, QPC, 19 mars 2021 n°2021-891)

Dans la lignée de la décision des Sages, le Conseil d’Etat avait annulé des dispositions relatives aux conditions d’élaborations des chartes et de leur approbation par le préfet.

Par ailleurs, la Haute juridiction administrative a ordonné à l’Etat de modifier les règles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation. (CE 26 juillet 2021 n°437815)
Dans une situation similaire aux chartes d’engagement, la décision du Conseil d’Etat du 15 novembre 2021 (CE 15 novembre 2021 n°437613) devrait amener l’Etat à garantir la systématisation de l’utilisation de documents (contrats, charte Natura 2000 avec des exploitants agricoles par exemple) encadrant ou interdisant l’utilisation des produits phytosanitaires (Article L414-1 du Code de l’environnement) dans les sites Natura 2000 dans un délai de 6 mois.

III. La prise en compte par l’Etat sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques 

L’Etat a tenté de répondre aux attentes par la publication d’un décret et d’un arrêté en date du 25 janvier 2022.

- Décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation.
- Arrêté du 25 janvier 2022 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime.

Le décret du 25 janvier 2022 modifie principalement la procédure d’élaboration et d’approbation des chartes d’engagement des utilisateurs (Article D 253-46-1-5 du Code rural) et que leur contenu précise les modalités d’information des riverains et utilisateurs de produits phytopharmaceutiques. (Article D 253-46-1-2 du Code rural)
L’arrêté du 25 janvier 2022 a étendu les mesures, visant à protéger les résidents proches des épandages de produits phytopharmaceutiques, aux travailleurs qui sont souvent en contact avec ces produits. 

L’extension du champ d’application de l’arrêté peut paraître superflue puisque cela relève du bon sens des employeurs lorsqu’il y a une utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des travailleurs

IV. Des niveaux de distances inchangés 

 Il convient de préciser qu’une zone de non-traitement (ZNT) se définit par une « zone caractérisée par sa largeur en bordure d'un point d'eau, correspondant pour les cours d'eau, en dehors des périodes de crues, à la limite de leur lit mineur, définie pour un usage d'un produit utilisé dans les conditions prévues par sa décision d'autorisation de mise sur le marché ou par le présent arrêté et ne pouvant recevoir aucune application directe, de ce produit. » (Article 1 Arrêté du 04 mai 2017)
 

A. Des niveaux de distances adaptés en fonction de la dangerosité du produit phytopharmaceutique 


En principe, si une distance de sécurité minimale est inscrite sur l’autorisation de mise sur le marché du produit, l’exploitant agricole s’en tient à cette information.

L’arrêté retient trois cas en l’absence d’information sur la distance de sécurité sur l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit, les distances d’épandages de produits phytopharmaceutiques en viticulture restent d’une distance de 10 mètres. (Article 14-2 de l’arrêté du 04 mai 2017)

Dans ce cas précis, l’arrêté permet de réduire cette distance de sécurité par l’accomplissement de deux conditions :

- Pour faire office de barrière aux particules de pesticides émis dans l’air, l’exploitant agricole peut installer un arbustif d'au moins 5 mètres de large en bordure des points d'eau pour la viticulture (Annexe 3 de l’arrêté du 04 mai 2017),
- L’exploitant agricole doit mettre en œuvre des moyens pour diminuer le risque de propagation des pesticides lors de leur pulvérisation pour les milieux aquatiques.

Ces moyens doivent figurer sur une liste publiée au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture. 

En viticulture, en fonction d’un seuil d’efficacité moyen voir plus élevé, la distance peut être portée à 5 mètres ou 3 mètres (Annexe 4 de l’arrêté du 04 mai 2017).

Dans un second cas, si la distance de sécurité n’est pas indiquée par l’AMM du produit concerné, une distance de sécurité minimale de 20 mètres incompressible est requise pour les traitements des parties aériennes des plantes réalisés à proximité des lieux.

Dans un dernier cas, les produits de biocontrôle, les produits composés uniquement de substances de base et les produits autorisés en Agriculture Biologique (cuivre, soufre, huile d’orange douce..) sont exemptés de ZNT riverain.
Concernant les distances de sécurité des  produits phytopharmaceutiques assez dangereux pour l’Homme( avérés ou supposés cancérogène, mutagène ou toxique = CMR 2), une note du 1er février 2022 de l’ANSES a rappelé qu’elle « sera amenée à fixer explicitement une distance de non traitement pour les produits concernés et pour les titulaires d’AMM qui en feraient la demande, et qu’à compter du 1er octobre 2022, les produits n’ayant pas fait l’objet d’une demande recevable auprès de l’Anses se verront appliquer par voie réglementaire une distance de 10 mètres. » 

(https://www.anses.fr/fr/system/files/Note_riverains_produits_classesCMR2.pdf)
 

B. Sur une potentielle obligation des constructeurs d’installer un espace végétalisé


Issu de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, l’article L151-7 7° du Code de l’urbanisme permet aux pouvoirs publics de « elles peuvent définir les conditions dans lesquelles les projets de construction et d'aménagement situés en limite d'un espace agricole intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés, ainsi que la localisation préférentielle de cet espace de transition. »

Intégrées par un amendement du Sénat, ces dispositions ont pour but de décharger les agriculteurs du coût de l’instauration d’un espace végétalisé, pour protéger des épandages de produits phytopharmaceutiques sur les constructeurs.
Composé d’avocats compétents en Droit des Affaires, Droit Rural et Droit de la Vigne et du Vin, le Cabinet FISCHER vous accompagne et vous conseille dans les difficultés que peut rencontrer votre entreprise 
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