Vers l’attribution d’un label Bas-Carbone dans le secteur viticole

Auteurs : Quentin REQUENA, Fleur NOUGARET-FISCHER
Publié le : 25/04/2022 25 avril avr. 04 2022

Depuis que l’Accord de Paris du 12 décembre 2015 est entré en vigueur le 4 novembre 2016, la France s’est fixée un objectif de neutralité carbone d’ici l’horizon 2050 pour limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2 degrés Celsius. (Article L.100-4 du Code de l’énergie ; Article L.229-1 du Code de l’environnement)

Pour atteindre cet objectif de neutralité carbone, l’Etat a organisé une planification nommée « stratégie nationale bas-carbone » (SNBC) qui permet de chiffrer les objectifs à atteindre en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. (Article L.222-1 A et suivants du Code de l’environnement)

Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone, le label Bas-Carbone a été créé pour être « un outil de mise en œuvre de la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone ». (Décret n°2018-1043 du 28 novembre 2018 créant un label Bas carbone ; Arrêté du 11 février 2022 modifiant l'arrêté du 28 novembre 2018 définissant le référentiel du label « Bas-Carbone »)

Ce Label Bas-Carbone est en croissance dans le secteur agricole et pose quelques interrogations dans ses modalités dans le secteur viticole.

Il convient de voir le fonctionnement du label Bas-Carbone (I), sa procédure d’attribution (II), les types de projets du label Bas-Carbone (III) et son application dans le secteur viticole (IV). 

I. Le fonctionnement du label Bas-Carbone

Le label Bas-Carbone est un outil de mise en relation entre financeurs et porteurs de projets de projet de réduction des gaz à effet de serre. Le label Bas-Carbone est donc basé sur le volontariat.

 Par ailleurs, il convient de préciser qu’il n’a pas pour objet d’être un label produit qui serait attribué pour la production d’une bouteille de vin par exemple. Il permet de certifier un projet qui comporte des techniques vertueuses pour limiter l’empreinte carbone sur l’environnement.

L’article 2 du décret précise que « pour bénéficier du label Bas-Carbone, un projet doit se conformer à une méthode approuvée par le ministre chargé de l’environnement. » 

Les méthodes « décrivent le fonctionnement d'un projet permettant de réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, y compris la façon de comptabiliser les émissions. » La méthode est une sorte de cahier des charges du projet candidat au label.

La labellisation s’applique aux réductions d’émissions par rapport à un scénario de référence qui contient des projections pour l’avenir d’un secteur donné. (Article 3 du décret précité)

D’autre part, le public est peu informé sur la possibilité pour un bénéficiaire de réductions d'émissions d’utiliser ses crédits carbones sur un marché carbone de la compensation volontaire ou pour compenser tout ou partie de ses émissions. 

Toutefois, l’arrêté prohibe l’utilisation des réductions d'émissions reconnues par le label Bas-Carbone pour s'acquitter des obligations de restitution de quotas et ne sont pas utilisables dans le cadre du système européen d’échanges de quotas d’émissions (SEQUE). (Annexe B Arrêté du 11 février 2022 précité) 

Cette disposition sur l’interdiction d’utiliser des crédits carbones dans le cas des obligations de restitution de quotas concernent principalement les Installations Classées industries de l’énergie, du papier du carton, etc…), dont les installations agricoles peuvent être concernées suivant les cas. 

II. La procédure d’attribution du label Bas-Carbone

L’obtention du label Bas-Carbone par le demandeur de projet se déroule en cinq étapes :
- Notification du projet
- Demande labellisation du projet
- Instruction du projet dans un délai de deux mois par le directeur général de l’énergie et du climat
- Attribution du label Bas-Carbone au projet inscrit au registre des projets Label Bas-Carbone
-Demande de reconnaissance des réductions d’émission.
En principe, un projet labelisé Bas-Carbone a une durée de validité de 5 ans, mais sa durée pet être fixée par la méthode elle-même, dont la durée peut être supérieure à 5 ans.

III. Les types de projet issus du label Bas-Carbone

Concrètement, le label Bas-Carbone implique deux types d’actions qui sont :
  • éviter des émissions de gaz à effet de serre par des changements de pratiques sectorielles : transports, bâtiment, agriculture… 
  • augmenter la séquestration de carbone par les forêts et les sols.
Au sein du secteur agricole, le label Bas-Carbone a fait émerger des projets tels que « France Carbon Agri Association n°1 », le « Reboisement de parcelles en Forêt Domaniale du Somail » ou encore le « Balivage de châtaignier » dans le département de l’Aveyron.

IV. Un label Bas-Carbone discuté dans le secteur viticole

En France, le secteur agricole est le deuxième émetteur national de gaz à effet de serre avec 19% en 2019, ce qui représente une part significative. (Chiffres du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire)

Les réductions qui auraient vraisemblablement eu lieu en l'absence de labellisation du projet ne peuvent pas être reconnues dans le cadre du label. (Article 3 Décret)

La filière viticole a développé un outil de mesure de l’empreinte carbone « Bilan carbone »

Dans cette dynamique, l’INAO, France Agrimer, l’INRAE et l’IFV ont publié, le 26 août 2021, la « Stratégie de la filière vin face au changement climatique » en vue de d’élaborer un projet pour l’obtention du label Bas-Carbone dans le courant de l’année 2022.

Les professionnels du secteur craignent que le label Bas-Carbone ne prenne pas en compte les efforts effectués auparavant dans la filière viticole comme cela peut être le cas pour des démarches engagées antérieurement qui sont plus respectueuses de l’environnement par le label Agriculture Biologique ou le label Haute Valeur Environnementale.

En effet, l’arrêté précise que la prise en compte des réductions d’émissions de GES s’effectue à partir d’un scénario de référence donné et du projet labelisé Bas-Carbone. (Annexe I A de l’arrêté précité)

En se basant uniquement sur un scénario théorique et sur les effets d’un projet labelisé Bas-Carbone dans le futur, l’arrêté effectue comme un « retour à la case départ » sur les efforts à entreprendre pour les viticulteurs afin de réduire leur empreinte carbone. 

La conséquence étant que cela ne permettrait pas de reconnaître la valeur des efforts tant techniques que financiers investis par certains viticulteurs pour réduire leur empreinte carbone en leur demandant un effort supplémentaire.

Ce point est actuellement discuté avec le Ministère de l’agriculture qui se dit ouvert aux négociations pour faire évoluer les dispositions réglementaires du label Bas-Carbone en ce sens.
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