Bail rural : dispositions censurées par le Conseil constitutionnel

Bail rural : dispositions censurées par le Conseil constitutionnel

Auteur : Fleur NOUGARET-FISCHER
Publié le : 23/03/2022 23 mars mars 03 2022

Par une décision du 11 mars 2022 le Conseil constitutionnel vient de censurer le troisième alinéa de l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime.

Cet alinéa prévoit que « si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 », c’est-à-dire au moins dix-huit mois avant la fin de la période de prorogation.

Explications…

L'article L. 411-47 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que le bailleur qui entend refuser le renouvellement d'un bail rural aux fins de reprise de l'exploitation doit délivrer au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, un congé présentant les motifs et les conditions de cette reprise.



En application du deuxième alinéa de l'article L. 411-58 du même code, le preneur peut toutefois s'y opposer s'il se trouve à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu pour les exploitants agricoles ou de l'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein. Le bail est alors prorogé de plein droit pour une durée égale à celle lui permettant d'atteindre l'âge correspondant.



Les dispositions censurées imposent au bailleur qui souhaite reprendre son bien au terme de la période de prorogation de délivrer, au moins dix-huit mois avant son expiration, un nouveau congé au preneur.

L’impossibilité pour le bailleur de notifier un nouveau congé dans le délai imparti

Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où le preneur s'oppose à la reprise moins de dix-huit mois avant l'expiration de la période de prorogation, le bailleur est placé dans l'impossibilité de notifier un nouveau congé, dans le délai imparti.

Par exemple, dans l’hypothèse où le preneur notifie son opposition au bailleur à 12 mois de la fin de la période de prorogation, le bailleur ne peut plus lui délivrer de congé puisqu’il se trouve à moins de dix-huit mois de la fin de cette période.

Exemple :

Une atteinte au droit de propriété disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi

Le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions portent ainsi au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

En effet, le congé délivré tardivement est nul. Dans ce cas, le bail se renouvelle de plein droit pour une durée de neuf ans (Civ. 3e, 8 avr. 1992, n° 91-10.378), à compter cependant de la fin du bail précédent et non de l’expiration de la prorogation (RM n° 23100, JO Sénat Q, 18 mai 1977, p. 985).

La situation est anormale puisque le bailleur ne peut reprendre son bien pour l’exploiter. Cela entraine non seulement, une atteinte au droit de propriété mais également une atteinte à la liberté d’entreprendre. 

Dans l’attente d’une nouvelle rédaction du texte critiqué, le bailleur usera de substituts. Il pourrait donner congé pour un motif différent que celui initialement délivré. On pense notamment à l’article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime pour limiter le renouvellement du bail à l’expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteindra l’âge de la retraite (Civ. 3e, 1er mars 1989, préc.).

Abrogation différée

Les Sages ont considéré que l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives. 

De ce fait, ils ont reporté au 31 décembre 2022 la date de l'abrogation de ces dispositions.

Toutefois, afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, le Conseil constitutionnel a jugé que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou jusqu'à la date de l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, en cas d'opposition du preneur à la reprise du bail dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur n'est pas tenu de délivrer un nouveau congé si la durée de la prorogation du bail résultant de cette opposition est inférieure à dix-huit mois.
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